La guerre revient. Et avec elle la violence et la barbarie. Engrenage
infernal et diabolique, pervers et mortifère. Nuit de l’humanité des lumières.... Pourquoi ?
Comment ? Elle semble inéluctable. Est-elle un mal nécessaire ? Ou à l’inverse,
une erreur politique, stratégique? Que devons-nous faire face à la barbarie? Les
Européens se sont déjà posé la question face à Hitler et à la montée du
nazisme.... Avec quel résultat.... L'histoire bégaie.
Dans son dernier livre « le tourment de la guerre » Jean-Claude Guillebaud nous livre une analyse
sans concession, dérangeante à bien des égards, d'une particulière actualité.
La guerre a évolué. Alors que pendant des siècles « l'objectif ultime des interdits anciens était
de conjurer la violence » (René Girard) – ce que l’on a trop tendance
à oublier en vertu du dogme du progrès...- elle est devenue idéologique, totale,
absolue, irrépressible. « La sauvagerie des guerres de religion du
XVIe siècle a imprégné si durablement notre mémoire collective que, quatre
siècles plus tard, nous associons spontanément la religion à la guerre. Pensant
cela nous omettons d'incriminer les idéologies qui ne sont jamais que des religions
séculières ». (Raymond Aron) ; lequel poursuit : « avec les guerres idéologiques toute
modération de la guerre devient impossible ». Et en écho, Roger Caillois
: « tout ce qui est possible devient
inévitable ». L'histoire abonde d'illustrations de cette horreur voulue et
non maîtrisée, des campagnes napoléoniennes à la guerre de 14-18 puis à celle
de 39-45.
La guerre est devenue technologique. « L'épouvantable furie des armes à feu qui
permettent au plus lâche des hommes de donner la mort au plus brave des
gentilshommes » (Cervantès). Ce qui a ouvert la voie à la barbarie sans
limite. A ce point que Simone Weill qui a vécu l'horreur de la guerre de 39-45
jusque dans les profondeurs de son âme nous mettait en garde : « il faut regarder en face les monstres qui
sont en nous ». Un autre témoin, qui lui a vécu la guerre dans sa chaire, Ernst
Junger, décrit cette horreur mieux que personne : « l'absurdité de la mort qui va et vient comme un papillon entre les deux
lignes de tirailleurs de 20 ans ». Depuis, les choses ont encore évolué.
Nous assistons au face à face du kamikaze et du drone qui tue aussi aveuglément
sans exposer celui qui le dirige au moindre risque. La guerre est devenue asymétrique
jusqu'au moment où il faudra en venir aux combats d'homme à homme que nous
voulons à tout prix éviter…
Jean-Claude Guillebaud met en évidence que la peste brune
du nazisme est devenue le Nord magnétique de la barbarie en ce qu'il n’avait
aucune volonté de justification ; Hitler revendiquait la barbarie. Il frappa de
manière gratuite, délibérée, sans limite, absolue. D'où le parallèle avec le
terrorisme qui nous touche aujourd'hui, elle aussi sans limite, extrême,
au-delà de l'humain et de l'horreur.
Si la barbarie islamiste trouve sa justification dans une
revendication religieuse, purement idéologique -ce qui nous renvoie aux
analyses de Raymond Aron- notre auteur met en évidence après bien d'autres
analyses dans le même sens, que les moteurs de l'engagement de certains
djihadistes n'est pas nécessairement dans la religion mais plutôt dans ce qui
fait l'origine du comportement guerrier lié à l'humanité depuis des sociétés
primitives. Voilà qui peut expliquer pourquoi des jeunes français qui n'avaient
apparemment pas de raison particulière de confesser un Islam au surplus radical,
se sont identifiés dans cette violence de l'extrême. On retrouve chez eux les
ingrédients du soldat de toujours : la discipline, la solidarité, le charisme
du chef et la gloire, l'ivresse du combat, la contrainte et la résignation.
La question est posée de savoir ce qu'il faut faire.
Répondre à la violence par la violence ? Se lancer dans l'engrenage fatal,
irréversible des actes de guerre terribles, froids, horribles. Et immédiatement
les mises en garde arrivent. «Toute opposition au mal par la violence ne
fait que l'accroître » (Tolstoï). « Ne
réponds pas à l'insensé selon sa folie de peur que tu lui ressembles toi-même
» (Proverbes).
Il ne s'agit pas pour autant de sombrer dans le pacifisme,
mais de savoir refuser le mal absolu de la barbarie. La nécessité de faire face
à ce mal absolu nécessite-t-elle de rentrer dans la logique de guerre ? Telle
est la question fondamentale qui nous est posée alors que nos chefs d'État
éprouvent une facilité déconcertante à endosser l'habit du chef de guerre
(Margareth Thatcher, George Bush, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy,
François Hollande etc.) le seul qui n'ait pas cédé à cette facilité fut Jacques
Chirac dont on ne soulignera jamais assez à quel point le discours de son
ministre des affaires étrangères à l'ONU lors de la guerre d'Irak était
empreint d'une immense lucidité...
Après 70 ans de vie sans guerre nous avons cru que notre
univers en était débarrassé. Il n'en est rien. La guerre est dans le champ du
possible. L'humanité n'en sera jamais débarrassée. Pour faire face au défi qui
nous est lancé, pour reprendre la main, et ne plus être ballotté par les
événements, nous devons réapprendre à penser la guerre et la violence.
C'est là que nos principes de civilisation doivent nous
servir. Je reprends à mon compte quelques-unes des citations du livre de
Guillebaud :
Romain Rolland : « un
grand peuple sali par la guerre n'a pas seulement des frontières à défendre :
il a aussi sa raison. Il lui faut la sauver des hallucinations, des injustices,
des sottises, que le fléau déchaîne ».
Thomas Hobbes: « la
guerre empêche l'État, mais l'État empêche la guerre ».
Tolstoï : « la
prière pour la victoire sur les ennemis est un sacrilège. Le chrétien doit
prier pour ses ennemis et non contre eux ».
Manifeste de miliciens libanais : « nous avons fait de la religion une identité milicienne et avons, de ce
fait, rejeté toutes les valeurs dont elle était porteuse ».
Si nous avons à combattre un ennemi extérieur – et je ne
minimise pas l’influence de l’Islam pour autant- les raisons de notre
exposition à sa menace nous sont propres.
Nous devons revoir notre vision de la guerre et notre conception de la violence.
Rejeter les idéologies mortifères dans les poubelles de
l'histoire.
Cesser de nier la dimension religieuse de l'homme en tant
qu'animal social et de faire reposer sur le religieux notre propre
responsabilité, comme pour nous débarrasser de la question religieuse que nous
avons reléguée de manière irresponsable dans le seul domaine du for
intérieur...
Mettre un terme à la suffisance avec laquelle nous
prétendons que notre démocratie serait consubstantielle à la paix, alors que
les idéologies à l'origine de notre république ont d'abord été guerrières et
expansionnistes.
Savoir dire NON autrement que par la violence.
Remettre du sens dans nos sociétés, au nous commun.
Répondre au défi identitaire, religieux et violent par
des principes de civilisation à la hauteur, et du même niveau d’exigence que
tout ce qui renvoie à la vie, à la mort à l’au-delà !
comment est il encore possible de respecter,faire respecter et appliquer la devise de notre republique alors que notre democratie representative se complait à la conceptualiser au point de la rendre impraticable en l'inscrivant au grevin des abstractions
RépondreSupprimerIl se pourrait qu'on n'ait guère le choix avec ces nouveaux barbares ; toujours se souvenir de la phrase de Churchill "Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre."
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