samedi 31 décembre 2011

Le vrai génie du Christianisme : Laïcité, Liberté, Développement

Le vrai génie du Christianisme : Laïcité, Liberté, Développement

Auteur : Jean-Louis Harouel
Éditeur : Jean-Cyrille Godefroy Editions
Année : 2012


JEAN LOUIS HAROUEL : LE VRAI GÉNIE DU CHRISTIANISME



I-LA DISJONCTION CHRÉTIENNE DU POLITIQUE ET DU RELIGIEUX, SOURCE DU MIRACLE OCCIDENTAL


1 - L'identité chrétienne des sociétés occidentales.

Le christianisme est la matrice des valeurs de l'Occident.
Le christianisme est la civilisation qui a produit l'homme sans Dieu, libéré de la religion. Le christianisme est la religion de la sortie de la religion, la sortie massive de la religion qui caractérise les sociétés occidentales constitue un critère caractéristique d'appartenance à la civilisation chrétienne.



2 - Christianisme et invention du développement.



S'il est une religion sans projet terrestre, n'ayant jamais eu la volonté d'apporter le progrès technique, l'enrichissement de la société, l'élévation des niveaux de vie et le bien-être matériel il a paradoxalement pourtant apporté tout cela. 
Jean Fourastié a développé cette idée comme Marcel Gauchet.


Le développement a bien été inventé par les chrétiens. Le processus de modernisation économique a commencé en Europe occidentale bien avant la facture de la réforme. Cela a commencé dès le Moyen Âge avec des innovations techniques majeures génératrices d'accroissement de la productivité. Le développement économique est une invention spécifique de l'Europe occidentale chrétienne. La conquête européenne du monde s'est distinguée de toutes les grandes conquêtes antérieures par le fait qu'elle se fondait sur une éclatante suprématie scientifique et technique. Tout cela trouva son origine dans le développement de l'enseignement. Sans le christianisme occidental nous serions restés une humanité non développée, accablée de souffrance et de maladies.


L'individualisme constitue lui aussi une invention occidentale. Il s'agit d'un phénomène de nature économique beaucoup plus que philosophique. La généralisation de l'individualisme a été une conséquence de la richesse.



3 - Le dépassement chrétien du monde antique : désacralisation du visible et liberté de l'individu.



La Grèce antique s'était élevée très haut dans l’art, la philosophie, la mathématique la mécanique pratique. Mais elle avait atteint ses limites et se trouvait incapable par elle-même d'effectuer la percée vers la modernité technique et donc économique. Simone Weil explique que les savants grecs ne voulaient pas le progrès.



La conception grecque d'une sacralité du monde et la forte conjonction du politique et du religieux caractérisant la cité grecque expliquent l'absence d'un véritable individualisme dans la Grèce antique. Ce qui peut expliquer d'une certaine manière que la sacralité de la loi de la cité a fait que Socrate condamné à mort de manière légale a préféré mourir plutôt que de désobéir à la loi. L'un de ses chefs d'accusation ayant entraîné sa condamnation était d'avoir porté atteinte par ses propos à la religion de l'État…



Fustel de Coulanges a montré combien l'antiquité greco-latine avait été caractérisée par une interdépendance du politique et du religieux avec laquelle le christianisme a radicalement rompu.
Il écrit : « pour ce qui est du gouvernement de l'État, on peut dire que le christianisme a transformé dans son essence, précisément parce qu'il ne semblait pas occupé. Dans les vieux âges, la religion et l'État ne faisaient qu'un ; chaque peuple adorait son Dieu, et chaque dieu gouvernait son peuple ; le même code réglait les relations entre les hommes et les devoirs envers les dieux de la cité. La religion commandait alors à l'État et lui désignait ses chefs par la voie du sort ou par celle des auspices ; l'État à son tour, intervenait dans le domaine de la conscience et punissait toute infraction aux rites et au culte de la cité. Au lieu de cela, Jésus-Christ enseigne que son empire n'est pas de ce monde. Il sépare la religion du gouvernement. La religion, n'étant plus terrestre, ne se mêle plus que le moins qu'elle peut au sens de la terre. Jésus-Christ ajoute rendait à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».


Le christianisme a placé le divin en dehors de la nature visible et au-dessus d'elle. Auparavant la conception religieuse traditionnelle englobait indissolublement naturel et surnaturel.

C'est cet apport fondamental qui a rendu possible progressivement que la science positive, expérimentale et mathématique a chassé le sacré de ce monde et nous a laissé dans un cosmos utilisable mais vide de sens (Max Weber).



4 - Mon royaumes n'est pas de ce monde : le facteur clé de la réussite occidentale.



Historiquement, il s'avère que le christianisme est la religion de la liberté intellectuelle, du progrès scientifique et technique, de la tolérance, de l'individualisme, du progrès économique et social, de la sécularisation de la société, de la laïcité.

Il existe deux mondes, la cité céleste et la cité terrestre. Le christianisme n'est pas moniste comme l'islam. Il n'envisage pas de cité idéale, lieu d'une rédemption collective terrestre mais propose exclusivement un salut individuel céleste.



Avec le christianisme l'ordre terrestre ne peut se trouver figé par aucune sacralisation, dès lors qu'il est radicalement étranger au royaume de Dieu.

Le dualisme chrétien a été historiquement créateur de liberté pour l'individu. À l'encontre de l'holisme du groupe. Il a rendu possible la distinction du spirituel et du temporel.

Le décollage de l'Occident s'explique dans cette distinction du spirituel et du temporel. C'est là que s'est glissé l'esprit de la liberté, de la curiosité scientifique, l’esprit de conquête, tout ce qui a cruellement manqué aux autres civilisations.



Le mouvement moderne de séparation des églises et des états n'impose pas à l'église une règle qui lui serait étrangère ; c'est tout le contraire…

Byzance a souffert de l'insuffisante disjonction du politique et du religieux notamment relevée par Montesquieu.



Historiquement le développement économique est né spontanément là où il y avait une nette distinction du profane et du sacré, là où existait une sphère d'activité terrestre libérée du contrôle du religieux, champ privilégié de l'exercice autonome du pouvoir politique et une activité intellectuelle indépendante de la religion.



5 - Immersion du politique dans la magie et inaptitude chinoise à inventer le développement.



La très vieille et brillante civilisation chinoise antique et médiévale fut pionnière dans le domaine des grandes inventions qui ont changé le sort de l'humanité. Le papier, la poudre, l'imprimerie et la boussole sont les plus connues de ces inventions majeures. Or, en dépit de son extraordinaire inventivité, la Chine ancienne n'a pas réellement mis ces découvertes au service de la production et de la vie économique. Cet immense paradoxe historique a suscité des interprétations et des explications variées dont la plus convaincante est celle par les mentalités religieuses chinoises apportées par Max Weber.



La surprenante carence historique de la Chine en matière de développement économique s'inscrit dans une totale absence de distinction du profane et du sacré. Il existait une complète immersion du politique dans le religieux lequel reposait sur la magie.



6 - L'enfermement de l'islam dans l'intrication du spirituel et du temporel.



En l'absence d'une vraie distinction du profane et du sacré ainsi que du fait de la difficulté pour l'activité intellectuelle à s'affranchir de la religion, la civilisation islamique n'a pas su faire du savoir grec le point de départ d'une dynamique. Le monde musulman fut un conservatoire efficace et même fécond mais guère plus que cela. On tourna très vite en rond.



Le monde islamique s'est trouvé dépassé par une civilisation chrétienne occidentale qui a connu un progrès fulgurant. Il n'y a pas eu de crise du monde musulman mais une stagnation, une immobilité, conformes à son génie.

Le monde musulman s'est procuré à prix d'or des transferts de technologie effectués par des transfuges européens.

L'islam récupéra à son profit le messianisme juif en le transposant du futur dans le présent. Les justes annoncés par la Bible sont les musulmans et leur royaume glorieux doit être établi immédiatement. Il y a une parenté d'attitude mentale entre l'islam et les millénarismes qui jalonneront l'histoire de la chrétienté avec la même confusion du politique et du religieux.



Dans le monde musulman la séparation de fait entre le pouvoir politique d'autorités religieuses intervenues depuis longtemps ne s'est pas accompagnée d'une distinction du spirituel et du temporel, du sacré et du profane. Dans le système musulman le temporel n'a aucune autonomie par rapport au spirituel : il s'y trouve entièrement immergé. L'État ne peut pas être neutre en matière religieuse.



Il y a un véritable rejet de la sécularisation par les sociétés musulmanes.

Certes y a-t-il eu la tentative turque. Mais la façade de sécularisation imposée à la société turque se fissure de plus en plus. Et l'on voit revenir le voile des femmes dans l'actuelle Turquie… Le pouvoir en place depuis 2002 travaille à détruire petit à petit l'oeuvre du créateur de la Turquie moderne.



Il y a une véritable antinomie entre islam et sécularisation. L'idée que la religion doive se limiter à la sphère privée contredit radicalement la non distinction coranique entre le culte musulman et les règles régissant la société. Les sociétés islamiques sont profondément holistes.

Il y a une sacralisation de l'ordre terrestre musulman.

Cette sacralisation de l'ordre terrestre a entraîné l'immobilisme ; tout changement à cet ordre étant perçu comme une impiété. Et ceci nonobstant les vertus d'égalité, de bienveillance ou d'humanité.

L'attitude de l'islam par rapport à l'esclavage est révélatrice ; il y a dans l'islam l'idée de fraternité, mais du fait que l'institution de l'esclavage est sacralisée car admise par le texte sacré de l'islam, par le coran, cette fraternité ne va pas au-delà du devoir fait au maître de bien traiter leurs esclaves musulmans. La civilisation chrétienne a fini par détruire l'esclavage alors que le monde musulman l’a conservé sans état d'âme ; il n'y a finalement renoncé que sous la pression de l'Occident et pas encore de manière totale. Dès le haut Moyen Âge le monde musulman est devenu le grand importateur d'esclaves ; ce qui explique que l'on trouve au Moyen-Orient et au Maghreb une présence noire comparable à celle qui existe aux États-Unis aux Antilles ou au Brésil. On peut par exemple se référer aux articles publiés par Joseph Kessel en 1930 dans le journal le matin.

II-LA DISJONCTION DU POLITIQUE ET DU RELIGIEUX AU PÉRIL DE L'OBSESSION MONISTE.



7 - La longue marche du dualisme chrétien.



Le dualisme qui fonde le christianisme a été historiquement une voix malaisée à suivre. Cela ne s'est fait que progressivement, à travers bien des tâtonnements, des tensions et des convulsions.



Il y a la prééminence du spirituel sur le temporel. Voir la réponse de Pierre « il faut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes ». Elle conduit à la théocratie ecclésiastique
.

Il y a la prééminence du temporel sur le spirituel qui conduit au cesaro-papisme.



La pensée de saint Augustin est fondamentalement dualiste. Le chrétien doit l'obéissance au pouvoir civil pour l'amour de Dieu, même si ce pouvoir est injuste. Le chrétien ne se révoltera pas mais résistera passivement à un châtiment immérité. Pour lui toute les lois profanes ne sont pas injustes « il défend le mariage ou la plupart des mesures pénales portées depuis longtemps à Rome par la législation païenne » mais les lois profanes injustes doit également être obéie. La sanction du droit divin ne relève pas de la justice terrestre. « Il est de l'essence du droit chrétien de ne pas être sanctionné sur la terre. C'est même pourquoi le droit chrétien d'origine divine peut parfaitement coexister avec les lois temporelles d'origine humaine. Ces deux droits ne sauraient se contredire : ils ne se rencontrent même pas, parce qu'ils ne sont pas le même terrain d'application ».

Le césaro-papisme fut dans la logique impériale romaine après Constantin. L'empereur se veut en même temps prêtre. En Occident les carolingiens vont introduire le césaro-papisme. Charlemagne est d'ailleurs souvent comparé à David « comme Melchisedech il est à la fois roi et prêtre ». À la suite de la décadence carolingienne le flambeau sera repris par les empereurs germaniques.



L'augustinisme politique peut se ramener à deux éléments principaux : l'État est conçu autour de sa mission religieuse et le droit ne peut être donné par Dieu. L'augustinisme est politique et juridique. L'État se définit et se légitime par sa mission religieuse. Alors que le christianisme est la première religion qui n'ait pas prétendu que le droit dépendit d’elle, l'augustinisme le refuse. L'augustinisme juridique veut un droit venu de Dieu.

Il y eut ensuite un augustinisme d'église à travers la prétention du pape à la souveraineté terrestre.



C'est Guillaume d'Occam qui s'y opposera. Et finalement il y eut une autonomie médiévale du pouvoir politique véritable concrétisation du dualisme chrétien. C'est saint Thomas d'Aquin qui a consacré le principe de l'autonomie du politique dans sa sphère. Concédant que pour ce qui relève du salut de âmes il faut obéir au pouvoir spirituel il conclut que dans les choses qui relèvent du bien civil il faut davantage obéir au pouvoir séculier. Il restaure la légitimité de la loi humaine et démontre que la doctrine juridique romaine est recevable dans le monde chrétien alors même qu'elle est profane par son origine. Sa doctrine est laïque sans pour autant sacrifier les fins spirituelles de l'homme qui relèvent de la compétence de l'église. Il a construit les fondements d'un ordre temporel autonome.



Mais il y eut ensuite un véritable augustinisme politique de l'ancien régime . C'est la monarchie de droit divin. Le roi légifère en matière ecclésiastique reprenant d'ailleurs très largement les règles du droit canonique en les assortissant de sanctions séculières. L'idéologie de l'État de droit divin ne s'est pas limitée au roi ; la magistrature a su en prendre sa part. Les magistrats prétendent être comme le roi et surtout comme les prêtres les lieutenants et vicaires de Dieu (harangues de l'avocat général au parlement en 1569). Les juristes français de la renaissance vont rompre avec les doctrines du bas Moyen Âge déjà fortement imprégnées d'esprit laïque manifestant une volonté de restaurer une conception sacralisée et théocratique des normes juridiques. Une volonté de fonder sur les préceptes divins l'ensemble de l'organisation politique et sociale. Une volonté d'absorber l'ordre naturel dans l'ordre surnaturel. Cette rechute augustiniste envahit les domaines jusque-là relativement laïcisés comme le droit romain et le droit coutumier.



Il y aura ensuite une version protestante de cet augustinisme.

Au fil des siècles l'argument du dualisme a souvent été employé pour combattre le monisme concurrent. Mais au fond presque personne n'aimait vraiment le dualisme. Chacun aurait préféré le monisme, en sa faveur. Cependant grâce à la distinction évangélique entre Dieu et César, pendant deux millénaires jamais la chape de plomb intellectuelle du monisme ne s'est appesantie sur l'Occident sinon de manière temporaire partielle.



8 - L'absorption messianique du politique par le religieux : le millénarisme.



Du fait de sa nature de première de secte juive le christianisme a hérité de l'idée messianique d'une perfection sociale, d'un royaume d'Israël glorieux et juste où règne un bonheur complet pour tous. Le millénarisme est le prolongement équivalent chrétien du messianisme juif. On attend d'un personnage surhumain qu'il instaure sur la terre un ordre miraculeux voulu par Dieu.



Il y a eu une très forte contribution de la gnose à la croyance en un troisième âge salvateur. Elle repose à la fois sur l'antithèse du bien et du mal et sur un schéma temporaire ternaire. À l'origine le bien et le mal étaient séparés puis dans un second âge ils ont été malencontreusement mêlés. Les éléments du bien sont emprisonnés dans le mal. Heureusement dans un troisième âge interviendra le salut par le retour à la sainte dissociation primitive du bien et du mal ce sera la rédemption du monde et de l'homme.



L'un des grands moteurs psychologiques des mouvements millénaristes médiévaux était l'envie sociale d’où leur dimension égalitariste. On voit surgir le thème du communisme qui devient une obsession des prophètes millénaristes. On retrouvera cette idée plus tard dans le communisme moderne.



9 - Les religions politiques rejetant la distinction du spirituel et du temporel.



La sortie de la religion caractérisant l'Europe occidentale n'a pas provoqué la disparition mais le déplacement du sacré. Jules Monnerot observe un report des ferveurs rendues disponibles vers trois grands mythes : la nation, la race, l'individu et l'espèce humaine dont le socialisme constitue le messianisme. Telle est l'origine de ce que l'on appelle religion politique ou religion séculière.



Il y a un phénomène de déification du politique. Une religion de la laïcité.

Le fait national européen a progressivement tendu à se détacher du divin institué pour se transformer en religion politique. Chaque nationalisme fait dépendre le bonheur individuel et collectif de la déification de sa propre nation face à d'autres nations obéissant à un semblable processus. Ce qui nous a conduit au nationalisme exacerbé et aux conflits du XXe siècle.



Les religions politiques sont fondamentalement des gnoses en ce qu'elles annoncent la délivrance du mal et fournissent une technique de rédemption terrestre. Cette analogie est particulièrement nette pour le communisme.



Le projet d'une rédemption collective terrestre conforme au plan de Dieu va se séculariser à partir des XVIIIe et XIXe siècle. Le millénarisme ne se réclamera plus de la supposée volonté divine. Le relais sera pris par les religions politiques ayant pour objet un grand programme de salut collectif. Henri de Lubac a démontré par quel cheminement intellectuel on est passé du millénarisme de de Flore qui se réclamait du divin à un millénarisme séculier ne se réclamant plus que de l'humain.

Le processus de sécularisation du millénarisme a engendré l'historicisme.



La sécularisation de l'esprit messianique et millénariste a entraîné de tragiques dérapages le rêve du paradis sur terre aboutissant à la construction de l'enfer sur terre.

Le courant utopique a joué un rôle important dans ce processus. Confère Campanella.



Rousseau rejette la distinction chrétienne du spirituel et du temporel ; pour lui le christianisme n'est d'aucune utilité à l'État puisqu'il n'apporte aucun supplément de force aux lois. Pire il perturbe l'État en détruisant son unité. L'individu est tiraillé entre les deux pouvoirs. Il y a fracture au sein de chacun entre le citoyen et le chrétien. Pour restaurer l'unité politique indispensable à la forte constitution de l'État Rousseau prône le retour à l'union de la religion et de l'État. Toute la révolution et dans le droit-fil de cette idée.



Les religions séculières refusent la distinction du spirituel et du temporel. Leur nature religieuse s'y oppose. Saint-Simon, Proudhon, Auguste Comte. Dans le catéchisme positiviste ce dernier affirme que la politique d'intégration systématique de la religion à l'organisation sociale y institue une religion de l'humanité qui devient le grand être.

À partir du début du XIXe siècle l'autorité de la science a été invoquée par pratiquement tous les fondateurs de religion politique. On a prétendu avoir découvert la science sociale d'où les polémiques ardentes qui avaient déchiré ses inventeurs concurrents et contradictoires. Le socialisme se réclame d'un statut scientifique autoproclamé destiné à le placer au-dessus de la libre discussion. Ces sur ses fondements que vont naître le communisme et le nazisme. Marx prétend construire une doctrine communiste fondée non plus religieusement mais scientifiquement. Il expulse d'ailleurs le religieux hors de son système. La religion n'est qu'une aliénation.



10-La nouvelle confusion du politique et du religieux : la religion d'État d'un moralisme suicidaire.



La France est un pays laïc, un pays de séparation de l'État et des religions, du politique et du religieux. Mais cela ne vaut pas pour les religions séculières. La religion politique d'État par excellence est celle de la religion de l'humanité qui est sortie du retrait du divin. La religion de l'humanité du XIXe siècle s'est prétendue la véritable héritière du message évangélique tout en transposant son projet de salut du céleste au domaine terrestre. Nietzsche considère que les idéologies laïques ont au nom de l'humanité surchristianisé le christianisme et renchéri sur son message. L'église de cette religion officielle de l'humanité faite de valeurs chrétiennes devenues folles par leur mise en service d'un projet millénariste de sainteté collective est suicidaire pour les sociétés concernées.



Cette religion séculière est très largement construite à partir des valeurs chrétiennes laïcisées, la loi religieuse des nouveaux augustinistes puise dans la morale évangélique que l'humanitarisme utilise comme source du droit. Pour Jésus il ne s'agissait pas de moraliser la société mais de donner individuellement à ceux qui le voulaient vraiment le moyen de gagner leur salut éternel. Il est une religion du salut dans l'au-delà et non un projet politique pour ce bas monde.



Il aurait fallu se garder de confondre le royaume des cieux et le droit, de faire usage des conseils de perfection évangélique à contresens, contre son prochain et l'ordre public, en les transposant indûment dans l'office du juge terrestre comme on la fait depuis un demi-siècle. La recherche frénétique de spiritualité dans le droit est une problématique de période où la religion s'est effondrée. Tout gonflé de morale venue des Évangiles via les droits de l'homme le droit s'est substitué à un christianisme en plein déclin. Les juges prêtres de jadis légitimaient volontiers leur décision par des règles religieuses d'origine biblique ; les juges prêtres d'aujourd'hui trouvent davantage leur inspiration dans une morale d'origine évangélique érigée en religion séculière. Aimer son ennemi, tendre l'autre joue sont des chemins de sanctification individuelle pas des règles de droit que l'on peut imposer à toute une population. On en voit une illustration parfaite avec la matière pénale ou la grande affaire est aujourd'hui le rachat des criminels, leur rédemption terrestre.



C'est dans le domaine des droits de l'homme que la transformation de valeurs d'origine chrétienne directe ou indirecte en une religion séculière d'État apparaît de la manière la plus évidente. Le projet européen de l'après-guerre s'est bâti sur l'intolérance de l'intolérance. Les Européens se comportèrent comme si toutes les civilisations se valaient ; en conséquence l'Europe a rejeté une grande partie de ces valeurs de durée au bénéfice de valeurs de perfection morale très belles chez les individus mais très suicidaires pour des nations et pour des civilisations. François Furet constate que les droits de l'homme ont remplacé la lutte des classes mais au service d'un objectif identique qui est l'émancipation de l'humanité.



La folie universaliste des Etats européens et la conséquence de leur dérive augustiniste qui confond la politique de droit avec la religion séculière de l'humanité.



Il y a un millénarisme de l'amour de l'autre jusqu'au mépris de soi. Le millénarisme des nouveaux droits de l'homme prend le relais du millénarisme communiste avec cette différence que la promesse de perfection sociale ne réclame plus la suppression de toute propriété mais exige la réalisation d'une totale égalité par l'extirpation de toute forme de discrimination.



Et les valeurs chrétiennes qui s'inscrivaient dans la perspective de la quête individuelle du salut par la vertu ont fait place à des droits créances brandis de manière harmonieuse contre les sociétés occidentales.



Il ne s'agit plus seulement de reconnaître et de respecter l'humanité en tout homme. Nous sommes requis de voir l'autre comme le même. On est passé de la non-discrimination divine à la non-discrimination humaine.



Si l'oubli total de soi au profit de l'autre est une vertu d'origine chrétienne cette vertu est aujourd'hui imposée autoritairement à la civilisation occidentale sans même la contrepartie que comporte la religion chrétienne.

On a glissé du bonheur individuel au bonheur social. On a identifié la vertu qui deviendra le principe de toutes les tyrannies au bonheur. Il y a une tyrannie par la vertu au travers de la vertueuse religion séculière des nouveaux droits de l'homme. De cette religion découle une morale d'État selon la formule de Jean Carbonnier. C'est une sorte d'invitation à une euthanasie collective un suicide forcément heureux puisque conforme aux exigences de la vertu !



L'idée de sainteté collective séculière obtenue par une disparition consentie au nom de la religion de l'humanité évoque une perversion du christianisme par la gnose. La religion de la non-discrimination incite les Européens à renier leur propre identité à renier leur légitimité à être ce qu'ils sont.

L'Europe a l'étrange lubie de croire que la dévotion envers la religion de l'universel peut suffire comme identité alors qu'elle exprime seulement le néant. La valeur européenne qui les résume toutes ces ouverture à l'autre c'est un universalisme sans frontières.



L'immigrationnisme est une thèse étrange constituant la dernière utopie fataliste des bien-pensants. On dissout la citoyenneté dans les droits de l'homme.

L'idée selon laquelle l'Europe aurait besoin de l'immigration pour des raisons économiques est fausse.

 On a assisté à une forme de prise de pouvoir par les hauts magistrats qui se sont mis à créer des règles nouvelles au nom des principes généraux du droit assumant ainsi une fonction de type prophétique. Confère ainsi l'arrêt Gisti du conseil d'État proclamant un principe général du droit donnant aux étrangers résidants régulièrement en France le droit de mener une vie familiale normale. C'est ainsi que l'on est passé d'une immigration du travail à une immigration de peuplement.



Je pense également de la guerre contre les races au nom de l'antiracisme. C'est ainsi que l'on constate le paradoxe que jamais les races minoritaires en Europe n'ont autant insisté sur leur couleur. Une préférence raciale est exigée. L'Europe occidentale subite une lutte des races dirigées contre les indigènes blancs. On est au coeur d'une contradiction interne majeure de l'antiracisme. D'une part les antiracistes réclament le respect et la sauvegarde des différences ; d'autre part ils érigent le métissage en méthode de salut. Et d'ailleurs s'il n'existe pas de races à quoi rime le droit à la différence !



Nous sommes revenus en pleine augustinisme politique. Comme au Moyen Âge la politique est aujourd'hui un département de la morale. Au détriment de la nation. Actuellement l'État n'a aucun souci des intérêts concrets des peuples européens. Leur avenir importe peu. L'État veille seulement à leur sainteté collective présente par le respect forcé envers les dogmes du millénarisme de l'amour de l'autre jusqu'à l'oubli de soi. La punition judiciaire du blasphème et du sacrilège est de retour. Et la religion d'État fondé sur la morale renouvelée des droits de l'homme est en train de détruire la liberté d'expression. On assiste selon Marcel Gauchet un véritable retournement de la démocratie contre elle-même. Nous vivons sous un régime disciplinaire. Vouloir faire descendre le royaume de Dieu sur terre tourne fatalement à l'enfer.



La seule solution serait que la laïcité devienne complète et qu'elle soit étendue aux religions séculières et aux idéologies.



La profonde originalité du christianisme ne réside pas dans son message d'amour et de fraternité des biens dans son dualisme : le royaume de Dieu n'est pas de ce monde ; Dieu et César sont bien distincts et ont chacun leurs droits respectifs. Le christianisme est travaillé par une tension interne entre deux logiques la logique de l'amour et seule la séparation du politique et du religieux. Pousser jusqu'à son terme l'esprit du christianisme comme amour aboutit à la négation du mois : l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi selon la célèbre formule Saint-Augustin. Inversement l'esprit du christianisme comme séparation du politique et du religieux favorise la libération du mois, dès lors que la coexistence de 2 m pouvant être concurrents ouvra l'individu une fenêtre de liberté très concrète.



Le christianisme est une religion de l'individu et non du groupe. C'est le contraire d'un holisme.

À propos des idéologies du XXe siècle et notamment du socialisme et du communisme Chesterton et Bernanos ont parlé d'idées chrétiennes devenues folles. Or ces idées chrétiennes sont devenues folles car elles ont été transformées en religion d'État au service de l'instauration du paradis sur terre. Le projet d'établissement du royaume de Dieu sur terre vise à construire une sainteté collective par des méthodes totalitaires.




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