Conforme à la pratique récurrente de nos hommes
politiques, après avoir affirmé que la vérité de l'histoire de Jeanne d’Arc
n'appartient à personne, M. Emmanuel Macron a tenté de se l'approprier pour
faire ce que les observateurs ont décrit comme une forme d'autoportrait en
creux ! Faites ce que je dis… Ne faites pas ce que je fais…
Il y en a différentes lectures possibles de l’immixtion
de Jeanne d’Arc dans l'histoire de France, de cette trajectoire qui la traverse
telle une flèche. « Comme une flèche (...) sa
trajectoire est nette, Jeanne fend le système, elle brusque l’injustice qui devait l’enfermer », nous livre à juste titre notre ambitieux ministre.
La première consiste, comme il l'a fait, à rester un
niveau purement événementiel. Regarder les événements dans leur déroulement,
extraordinaires, héroïques, à contresens, nourris d'espoir. À ce stade, elle
peut effectivement servir toutes les causes. Mais ainsi limitée, privée de sens
elle n'apprend pas grand-chose, si ce n’est que rien n’est impossible. Jeanne «
est dans cette France déchirée, coupée en deux, agitée par une guerre sans fin
qui l’oppose au royaume d’Angleterre. Elle a su rassembler la France pour la
défendre, dans un mouvement que rien n’imposait. Tant d’autres s’étaient
habitués à cette guerre qu’ils avaient toujours connue. Elle a rassemblé des soldats
de toutes origines. Et alors même que la France n’y croyait pas, se divisait
contre elle-même, elle a eu l’intuition de son unité, de son rassemblement »
souligne Emmanuel Macron. Ainsi décrite son épopée est susceptible d’être mise «
à toutes les sauces idéologiques et politiques» !
Comme l'écrit Jacques Trémolet de Villers en conclusion
de son récent ouvrage sur le procès de Rouen : « elle a conduit le roi. Elle a
gagné la guerre. Elle a subi son procès et sa condamnation. Elle est, pour
toujours, le triomphe de lettres sur le paraître de l'action sur les mots, de
la réalité sur les apparences ». L'histoire de Jeanne c’est l'histoire de Dieu
pris en flagrant délit de politique et d’action guerrière !.... L'histoire
de Jeanne c'est celle de ses voix, ses précieux conseils comme elle se plaît à
le dire. C'est l'histoire d'une intervention divine dans l'ordre temporel. Il
s'agit d'un miracle. Jeanne d'Arc est un miracle.
Aussi, la deuxième lecture consiste à essayer de
comprendre pourquoi, comment et dans quel but cette jeune fille s'est engagée
dans une pareille entreprise, effectivement impossible à vue humaine. Notre
ministre de l'économie limite son interrogation à un horizon individuel,
personnel, celui de la trajectoire d'une femme dans l'histoire comme il imagine
la sienne propre. Ce faisant, on ne comprend pas le phénomène, on ne peut que
l'interpréter, le faire sien, et contredire ainsi l'engagement initial de ne
pas s'approprier son histoire.
Elle nous dépasse. Elle n'appartient à personne en propre comme elle ne s'appartient pas à elle-même ; il n'y a aucune motivation individuelle chez Jeanne, aucune ambition personnelle. Elle fait ce que le Ciel lui demande.
Si elle se lance dans l'aventure c'est à cause de ce que ses voix décrivent comme étant : la grande pitié du royaume de France. Et elle le fait non pas avec ses moyens propres, qui sont inexistants, mais parce qu'elle est envoyée en mission « En nom Dieu ». Ce sont ses termes. Avec des moyens surnaturels, guidée par ses voix.
Et elles lui font faire LA GUERRE. Oui, une jeune femme,
sainte catholique, qui mène la guerre au nom de « Dieu premier
servi » ! Pour quoi faire ? Pour sacrer Charles VII et restaurer
l'autorité de l'État. Et elle conduit cette guerre en dehors de l'Eglise, d'une
Eglise elle-même divisée ; il y a alors 2 papes ! Comme l'écrit encore Jacques
Trémolet de Villers : « Jeanne, laïque, agit par le commandement de Dieu. À ces
hommes de Dieu qui prétendent détourner Dieu à leur profit, elle oppose Dieu.
Cette parfaite laïque est donc une parfaite catholique. À ces hommes de Dieu
qui détournent Dieu au profit de leurs ambitions temporelles elle n'oppose pas
l'anticléricalisme, ni l'athéisme, elle oppose « messire Dieu premier servi ».
Elle rétablit l'ordre ».
Sa victoire, au-delà de la fin de la guerre de 100 ans,
réside dans la renaissance d'une Nation qui s'inscrit dans le temps pour des
générations. Un sens de l'histoire qui n'a pas été immédiat, mais qui apparaît
telle une évidence lorsque l'on se situe dans le temps long.
Pour comprendre cette histoire, il faut la relire et
particulièrement les minutes de son procès. Ce procès qui lui est fait par des
clercs de cette même Eglise dont elle deviendra ensuite l'une des plus grandes
saintes. Paradoxe suprême, sublime, incompréhensible à vue humaine. Jeanne est
un miracle... C'est le miracle français par excellence. Si on n’intègre pas
cette dimension-là on ne comprend rien à Jeanne et on peut effectivement tout
lui faire dire, tout justifier. Oui M. Macron la vérité de l’histoire de Jeanne
d’Arc n'appartient à personne. Elle n'appartient qu'à Dieu et à la France.
Aucune autre Nation au monde n'a connu pareille épopée ! À ceux qui s'interrogent
sur l'âme de la France, sa vocation, sa destinée, elle apporte une réponse,
unique, exceptionnelle, hors du temps, spirituelle, divine. Sens terrible qui donne à la France une responsabilité unique. Sens prophétique alors qu'il y a à nouveau" grande pitié" à ce qui n'est plus le royaume de France mais qui est encore la France....
Tout le reste n'est que politicaillerie de bas étage,
même si celui qui vient de s'y livrer de manière tout à fait imparfaite a au
moins le mérite de s'inscrire dans le récit national, à l'inverse de celui qui nous
gouverne avec une boîte à outils et qui nous explique avec élégance que grâce à
lui « ça va mieux »...
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